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Romance et Rondo

pour contrebasse et ensemble

vendredi 27 novembre 2015, par Valentin.

Une œuvre pour contrebasse et orchestre de chambre, rédigée à la fin du XVIIIe siècle par le musicien danois Franz Keyper (1756-1815).

Lorsque j’ai ouvert ce [Site] il y a une dizaine d’années, j’avais l’ambition d’y entreposer un certain nombre de partitions pédagogiques, éditées par mes soins au moyen du logiciel GNU LilyPond. Entretemps, de nombreuses bibliothèques en ligne se sont développées, au premier rang desquelles le désormais incontournable IMSLP, et dans une mesure plus modeste, le projet Mutopia auquel je contribue de temps en temps.

Il m’arrive donc plus rarement de croiser des partitions qui me semblent mériter d’être (ré)éditées et de figurer ici ; tel est le cas aujourd’hui. La pièce que je vous propose de découvrir est écrite pour contrebasse soliste, un instrument assez méconnu que je m’emploie à apprendre depuis deux ans. J’ai édité cette pièce entièrement à partir du manuscrit de l’auteur, déposé à la Bibliothèque Royale du Danemark et numérisé sur IMSLP ; j’ai également rédigé une transcription pour piano de l’accompagnement.

Romance et Rondo — F. J. Keyper

Difficile de trouver des détails sur la vie de Franz Joseph Keyper (parfois orthographié Frantz, ou Keÿper) ; la seule biographie disponible en ligne est celle de la page Wikipédia danoise, non sourcée, qui nous indique qu’il est né vers 1756 quelque part en Silésie (au Sud-Ouest de la Pologne, bordant l’Allemagne et l’Autriche-Hongrie) d’une famille hollandaise, et qu’il a rejoint en 1788 l’orchestre royal du Danemark en tant que contrebassiste. Ses deux fils s’illustreront dans l’armée danoise (l’un en tant que bassoniste, l’autre en tant qu’instructeur), et lui-même disparait le 7 juin 1815 à Copenhague.

Pour le connaître mieux, il suffit en fait de lire... sa musique. Sa page sur IMSLP comporte, sous forme entièrement manuscrite, pas moins de sept concertos pour contrebasse et orchestre (plus un concerto pour harpe) — quantité impressionnante même si à la même époque, Sperger en écrivait dix-huit pour le même instrument. On y découvre un compositeur résolument classique (il porte les deux mêmes prénoms que Haydn et il serait né la même année que Mozart), certainement pas révolutionnaire mais intelligent, sensible, élégant et inspiré. Cette musique n’a rien à envier à d’autres compositeurs de la période, éclipsés dans l’Histoire par l’ombre phénoménale de Mozart (coucou Clementi, hello Cimarosa)... et surtout, quelle magistrale connaissance de la contrebasse ! Double-cordes, gammes, arpèges, harmoniques naturelles et suraigus : ces partitions n’ont rien à envier à l’écriture des éternelles scies dont sont peuplées les classes de contrebasse (spéciale dédicace à nos amis Rossini, Nanny, Bottesini, Koussevitsky&Co.).

La petite Romance et Rondo que je présente ici me semble tout à fait représentative de l’écriture de Keyper : limpide dans sa construction, simple dans son harmonisation sans tomber dans la niaiserie (un petit état de sixte par-ci, une petite cadence évitée par-là), encore très proche du baroque tardif, dans un esprit rappelant la première manière de Haydn. Vraisemblablement réunies au début des années 1790, ces deux pièces sont en fait respectivement reprises du Premier concerto pour contrebasse de Keyper (daté de 1786, dont cette Romance constitue le second mouvement) et du Deuxième concerto (dont le Rondo est le troisième et dernier mouvement).

Le code source de cette partition est constitué d’un seul gros fichier .ly, à ouvrir avec un bloc notes (ou de préférence dans l’éditeur Frescobaldi) et à transformer en partition avec GNU LilyPond. Il est ainsi remarquablement facile de modifier d’éventuelles erreurs (qui, je m’empresse de le dire, viendraient du compositeur lui-même et non de mon édition), de transposer la partition dans une autre tonalité, d’arranger différemment certaines parties...

Romance et Rondo — F. J. Keyper
Code source LilyPond.

... cependant, par pure bonté d’âme, je vous ai également préparé un gros zip avec toutes les parties séparées, la partition d’orchestre, et même quelques fichiers MIDI qui pourront vous donner une (très vague) idée de ce à quoi est censé ressembler l’œuvre.

Romance et Rondo — F. J. Keyper
Parties séparées, conducteur, fichiers MIDI.

D’un niveau de difficulté avancé quoique surmontable, cette partition pourrait correspondre, en gros, à un bon deuxième cycle de conservatoire. C’est d’ailleurs dans une optique pédagogique que ce Rondo précédé d’une Romance a été sorti de l’oubli, dans les années 1970, par le contrebassiste britannique Rodney Slatford pour sa collection pédagogique pour contrebasse (publiée par les éditions Yorke dont il est fondateur).

Voici ce que Slatford témoigne à ce sujet :

Une pièce de virtuosité facile publiée ici pour la première fois et aujourd’hui beaucoup jouée.

Lorsque j’étais un jeune interprète professionnel dans les années 1960, mon métier de contrebassiste auprès d’ensemble de chambre et de petits orchestres me faisait parcourir le monde, ce qui me donnait une occasion unique d’écumer les bibliothèques et archives partout où j’allais. Ces recherches étaient d’autant plus éprouvantes avant l’ère des photocopieuses et des e-mails. L’Europe de l’Est était particulièrement difficile d’accès, de nombreuses collections étant tenues sous clé excepté pour quelques heures par semaine. Il se trouvait beaucoup de collègues enclins à partager des renseignements glanés ici ou là, même sans être eux-même spécialistes de votre domaine (les sujets annexes fascinent souvent autant que l’objet de votre recherche, et l’on se trouve vite embarqué dans des discussions politiques ou sociales qui n’ont guère de rapport avec votre objectif !).

Au début des années 1970 James Brown, alors deuxième hautbois solo de l’orchestre de chambre avec qui je travaillais, tomba sur une petite collection de manuscrits pour contrebasse à la Bibliothèque Royale d’État de Copenhague. Ils étaient signés de Franz Anton Leopold Keÿper (1756-1815), contrebassiste d’origine hollandaise de l’orchestre de la Chapelle Royale à Copenhague, et comprenaient plusieurs concertos, de la musique de chambre et divers fragments naïfs. Loin du niveau d’un Mozart ou Haydn, leur style et caractéristique de l’époque. Pour un instrument tel que la contrebasse, dont XVIIIe siècle reflète largement le fait qu’elle était alors accordée très différemment d’aujourd’hui, la musique de Keÿper est facile d’accès dans toute son élégance, son charme et son esprit.

Cette Romance et Rondo est l’une des pièces les plus abouties de Keÿper et nous est parvenue sous forme manuscrite avec à la fois sa partie soliste et ses parties d’orchestre (hautbois [sic], cors et cordes) ; le matériel d’orchestre est disponible en location.

Et c’est cette dernière phrase qui me fait tiquer. En effet, la partition publiée par Slatford est commercialisée et « protégée » comme une partition écrite récemment — alors que son véritable compositeur mort il y a deux cent ans, et que sa musique fait partie du domaine public et devrait pouvoir être jouée librement par tout un chacun. Sans dénigrer le travail de Slatford (ni de Clifford Lee, qui rédigea la première transcription de l’accompagnement), il ne me semble pas légitime qu’une œuvre du domaine public se trouve de nouveau privatisée au motif qu’elle a été récemment ré-éditée. Cette illégitimité devient d’autant plus criante lorsqu’il s’agit de répertoire pédagogique : cautionner le droit soi-disant « d’auteur », c’est cautionner le rançonnement des conservatoires, la traque aux photocopies, et ainsi de suite.

Comme pour tout ce répertoire qui ne demande qu’à être libéré, il ne restait plus qu’à une bonne âme de se dévouer pour consacrer une douzaine d’heures à lire le manuscrit, rééditer proprement le texte, et le mettre à la disposition du public : sans exiger de paiement, sans interdire les photocopies, représentations ou adaptations non-autorisées, sans prétendre contrôler et restreindre la liberté que devrait avoir tout un chacun d’apprendre, jouer et partager la musique qui lui plaît.

C’est maintenant chose faite.

Bonne lecture !
Valentin.

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