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Vos gueules, enfants de la Patrie

mardi 20 janvier 2015

Au long de la petite décennie pendant laquelle j’ai animé ce [Site], j’ai résisté autant que possible à la tentation de m’y épancher sur mes agacements du moment, et d’y commenter l’actualité au jour le jour — précisément parce que l’actualité d’aujourd’hui ne peut s’apprécier que lorsqu’elle devient l’Histoire de demain ; du reste, toute liste exhaustive de ce qui m’indigne finirait par absorber la totalité de mon temps et de mon énergie. Aussi, ayant déjà consacré un éditorial et deux pages successives aux récents attentats en région parisienne, aspirais-je à ne plus devoir y revenir. C’était compter sans, dans ce récit, l’irruption soudaine et incongrue de mon plus vieil ennemi : le Système Scolaire.

Je ne sais quel est (mais j’ai de forts soupçons) l’abruti qui a décidé, emboîtant le pas à l’hystérie médiatique suscitée par le fait divers tragique du 7 janvier 2015, d’embarquer l’Éducation Nationale dans la danse ; cette décision est ignominieuse à plus d’un titre, même si l’on ne devait certainement rien attendre d’autre de la part de notre système propagandiste éducatif. Développons.

Issu d’une famille d’enseignants, j’ai toujours eu le plus grand respect pour ces humbles soutiers qui œuvrent sur le terrain à rendre les générations futures plus instruites, dans des conditions toujours plus difficiles et sans autre reconnaissance que l’ingratitude générale et le mépris le plus abject, particulièrement en ces temps où notre société ne se voit prescrire pour modèle ultime qu’une inculture crasse et décomplexée. Dans l’affrontement — fantasmé — entre l’instituteur et le curé, j’ai clairement et définitivement choisi mon camp : celui du savoir et de la raison contre celui de la manipulation et de l’obscurantisme. Ce respect n’a d’égal que mon mépris pour ceux qui, faisant le choix (souvent en toute bonne foi, mais pas toujours) de l’enseignement privé, soustraient délibérément leurs enfants à l’apprentissage du lien social et des valeurs citoyennes pour les mieux résigner au règne de l’inégalité et de l’arbitraire. En ce sens, j’ai longtemps pu tolérer la présence de drapeaux tricolores au fronton des écoles (c’était avant que je ne commence, dans mon adolescence, à en faire la collecte clandestine et nocturne) en me disant que cela représentait la Liberté, l’Égalité et la Fraternité, bref, rien que du bon. (« Rien que du bon : 98% », comme dans l’analyse de la « nouille française » par SuperDupont ; je m’abstiens ici de mettre un lien car les seules sources en ligne semblent toutes relever de l’extrême-droite.)

Alors certes, mieux valait ne pas y regarder de trop près, à commencer par la genèse de notre République (que ce soit dans sa variante versaillaise ou degaulliste) ou par les paroles même de notre hymne national, gorgé de phallocratie et de racisme ; ou encore, la politique coloniale de notre État-français-dans-sa-grande-bonté, et la justification d’icelle par les thuriféraires même de l’enseignement public. Mieux valait, de même, fermer les yeux sur les disparités criantes occasionnées par la sectorisation scolaire, l’abrutissante inadéquation des programmes (notamment dans la non-articulation entre enseignement primaire et secondaire), la différence (parfois subtile, mais avérée) entre l’extraction sociale des enseignants et celle de leurs élèves... Mais c’est en comprenant, à l’école primaire, la véritable nature de l’enseignement de masse, qu’il m’est apparu clairement que je ne pourrais pas continuer à y adhérer : j’entends par là ce processus déshumanisant, normalisateur, carcéral et industriel, ce nivellement par le bas d’une classe d’âge parquée dans une cohabitation forcée et arbitraire (cette aberration conceptuelle que sont les « petits-camarade-de-ton-âge »), dans lequel le fait de produire occasionnellement (par la seule force de caractère de certains professeurs) une poignée de citoyens dignes de ce nom, n’est pas un objectif mais un épiphénomène accidentel, dispensable et, in fine, indésirable. Les quelques enseignants qui y parviennent n’en sont que plus admirables.

L’on m’objectera que la « sociabilisation » est un but noble, particulièrement lorsqu’elle s’accompagne de mixité sociale (ce qui n’est pas le cas avec la carte scolaire actuelle, au demeurant) : après tout, n’était-ce pas également ce qu’on disait des régiments d’infanterie de la Grande Guerre ? Dans ce cas ayons l’honnêteté et la cohérence de remplacer l’école par l’armée : cela en satisfera plus d’un. Mais en l’état, soyons bien clairs : outre celle de libérer de la main d’œuvre (exploitable de suite dans le cas des parents, ou a posteriori pour leur progéniture), l’école n’a qu’une seule vocation, laquelle est d’inculquer aux enfants la Norme sociale consumériste, le sens de la hiérarchie et de l’obéissance, et l’absence de remise en question sérieuse des rapports de force et du statu quo. Et, de même que je n’ai aucun respect pour quiconque choisit de devenir flic et de le rester, les enseignants qui ne sont que de sombres nervis au service, volontaire ou inconscient, de la perpétuation d’un système autoritaire et inégalitaire, ne méritent pas de ma part la moindre considération.

L’on comprend alors que, dans ce lieu stratégique (à la fois enjeu de conquête et champ de bataille) qu’est l’école, la — littéralement — sacro-sainte « minute de silence » n’est pas seulement la dernière en date, et probablement la plus voyante, des manœuvres éhontées d’embrigadement politique et commercial... mais tout simplement une conséquence et un parachèvement de sa raison d’être même. C’est que, même sous couvert d’intentions louables (auxquelles je n’accorde, nonobstant, pas le moindre crédit), la minute de silence est ostensiblement sélective. C’est ainsi que l’État français (dans sa grande bonté) intime l’ordre aux élèves de manifester leur solidarité spontanée à l’égard des victimes des attentats de Madrid ou de Londres mais non ceux de Bombay, Bali ou Karachi, à l’égard des victimes d’attaques sur le sol américain (à New York mais non à Oklahoma City), mais non sur celui d’aucun pays africain, maghrébin, moyen-oriental ou européen non-occidental (Russie ? Tchétchénie ? Quelquechose-stan ? Connais pas), de l’assassinat de trois enfants juifs mais non de l’« incident » causant la mort de deux jeunes maghrébins (ou deux autres), de la mort d’un préfet en Corse mais non de celle, tout aussi violente, d’un jeune manifestant pacifique dans le Tarn... (Pour ne rien dire des innombrables bavures que nous devons plus ou moins directement à la grande-bonté-de-l’État-français, notamment aux décès réputés « accidentels » lors d’interpellations musclées ou d’expulsions du territoire : ça ferait combien de minutes de silence ? C’est vrai : zéro.)

Vous voulez parler de pédagogie ? Alors commençons par le message enseigné ici : pour l’État français, et donc pour tous ses chérubins, toutes les morts ne se valent pas. Il y a celles que nous devrions tous nous approprier, que l’on va célébrer religieusement (c’est-à-dire avec apparat et dignité mais dans l’obscurantisme le plus total, à savoir celui qui interdit de remettre en cause les termes même du rituel)... Et puis, les autres. Les anonymes. Les oubliées de la grand-messe médiatique et institutionnelle. « Libres et égaux en droit », vraiment ?

Deuxième message : certains évènements violents sont inacceptables. Parmi ces mêmes enfants que l’on fait taire pour une minute, n’y en a-t-il pas quelques-un(e)s qui ont perdu un proche, un parent, dans des circonstances tragiques ? Soudaines ? Accidentelles ou non ? Voire, tout aussi violentes ? Et que leur a-t-il été donné à voir, alors ? Leur propre deuil a-t-il été proclamé au centre du préau de leur école ? Leur propre tristesse a-t-elle été partagée par l’ensemble de leurs pairs, adultes compris ? Bien sûr que non : les évènements tragiques font partie de la vie, il est normal de s’en trouver affligé mais vain de chercher à les empêcher... et, surtout, extrêmement malsain de prétendre s’en prémunir à tout prix : que ce soit au prix d’une cérémonie extraordinaire, au prix d’accepter la présence de militaires en armes un peu partout dans nos rues, au prix de renoncer lentement à toute liberté civique. Tel est pourtant le message ici imprimé avec l’assentiment général du « monde des adultes ».

Troisième message : le maître ou la maîtresse, en qui l’enfant pouvait voir un être humain tout comme lui-même, n’est finalement qu’un pion au service de l’État ; et la salle de classe (ou le préau, ou la cour de récréation) n’est pas ce lieu familier que l’enfant s’était approprié, mais le lieu Officiel et Solennel des cérémonies destinées à manifester l’impérieux arbitraire de nos-maîtres-à-tous. Le message fondamental de l’Éducation Nationale (et de tout enseignement de masse, notamment privé) est ici très clairement résumé : l’instruction et l’épanouissement importent moins que l’obéissance, et le libre-arbitre devra toujours céder le pas à la conformité.

Et voici donc les suppôts de l’appareil rectoral, en bons pantins, à faire appliquer bon gré mal gré le cérémonial, non sans prétendre avec une mauvaise foi insondable que c’est dans l’intérêt des élèves eux-mêmes :

J’ai immédiatement écrit aux personnels enseignants afin de leur manifester mon soutien dans leur difficile tâche d’éducation dans un moment très complexe où il fallait être à la disposition des élèves pour expliquer l’inexplicable, ou plutôt, déconstruire, aider à comprendre un phénomène de barbarie tout en prenant la mesure de l’immense émotion qui a traversé le pays tout entier.

Sans doute n’est-il pas inintéressant d’ouvrir ici un a parte pour noter combien, en notre époque où « le pédophile » est devenu la figure du monstre-repoussoir dans nos sociétés, l’on s’étonne peu de ce que l’école place ontologiquement l’enfant au centre de problématiques d’adultes. C’est ainsi que l’on feint soudain de découvrir combien les enfants sont exposés à des récits où la violence est omniprésente (par récit, j’entends aussi bien fiction que reportage, images que discours) et que, par une étrange prophétie auto-réalisatrice, l’on se donne les moyens de « prendre en charge » un traumatisme collectif construit de toutes pièces... en imaginant que le besoin vient des élèves eux-même : « répondre favorablement aux besoins ou demandes d’expression qui pourraient avoir lieu dans les classes ». C’est dire, au passage, combien peu de cas est fait (institutionnellement parlant du moins) des « besoins ou demandes d’expression » en temps normal dans les classes, en l’absence de circulaire du ministère.

Résumons : pour « expliquer l’inexplicable » et accéder aux « besoins d’expression »... taisons-nous religieusement pendant une minute.

Et pour célébrer la « liberté d’expression »... Interrogeons-nous gravement sur tout élève qui commettrait le sacrilège (littéral) de faire entendre une voix disconvenante — interrogeons-nous, puis sévissons avec toute l’obtusité dont est capable la bureaucratie de l’État-dans-sa-grande-bonté. Je ne veux voir qu’une seule tête !

Les enfants de tous âges, naturellement, n’ont pas attendu d’en recevoir la permission officielle pour s’approprier à leur façon les rituels des adultes. Ainsi j’ai pu voir tous mes élèves d’école primaire s’emparer de feutres pour écrire « Je Suis Charlie » au tableau (avec diverses fioritures) — tout comme je les voyais, l’année dernière, arborer d’ignobles gestuelles crypto-nazies lorsque c’était à la mode, et tout comme je les verrais aujourd’hui déchirer de prétendues « caricatures du prophète » si j’enseignais dans un autre pays (ou dans une banlieue moins aisée). Rien de cela ne prête à conséquence, et demain ce sera autre chose : le buzz s’en va, le buzz s’en vient.

Alors évidemment, le fait de reproduire des propos ou comportements ne correspond pas toujours pour l’enfant à une expression authentiquement personnelle (même si elle est souvent là, sous-jacente ou dissimulée) — et pourquoi en serait-il autrement ? Rien n’est destiné à encourager une telle expression, et sûrement pas le bullshit pseudo-pédagogique consistant à non seulement favoriser les questions qui dictent leur propre réponse, mais ici à dicter les questions elles-mêmes : « Bon les enfants, il s’est passé quelque chose de très grave et de très important, qui vous a sûrement beaucoup effrayés. Qui veut poser une question ? » Et pourtant, je veux croire que les attitudes de résistance à l’embrigadement moral obligatoire, n’ont pas été seulement le fait d’élèves élevés dans la foi musulmane (et de préférence dans ces territoires sombres et inconnus qu’on nomme banlieue) ou d’enfants affirmant la suprématie (par ailleurs légitime) de leur acquis familial vis-à-vis de la machine à broyer Républicaine. Je veux croire qu’il existe des enfants indisciplinés indépendamment de leur milieu, de véritables esprits forts, vifs et perspicaces, libres et intelligents, et dont la voix ne sera pas exprimée par pression sociale ou par peur (littéralement) du gendarme, ou aura été ici trop faible, trop facilement étouffée, ignorée ou tournée en ridicule parce qu’elle mettait mal à l’aise — j’y reviens.

Ayant, il me semble, suffisamment développé les raisons qui me conduisent à voir dans les cérémonies d’hommage aux victimes des attentats de janvier, non pas l’affirmation d’un (très hypothétique et fort mal identifié) principe républicain mais la simple instauration informulée d’un fait religieux, il n’est que logique que les adultes qui (quel que puisse en être l’enrobage pseudo-pédagogique et pseudo-civique) font accomplir aux enfants les cérémonials d’hommage, ne m’inspirent guère moins de dégoût que ceux qui leur enseigneraient qu’« on ne doit pas représenter le Prophète ». Deux discours religieux, deux absences de questionnement, deux obscurantismes.

Deux sens du sacrilège, aussi. La réaction d’une poignée d’élèves rejetant, paraît-il, les rituels d’hommages, a produit sur la classe politico-médiatique un déferlement hystérique à peine imaginable, et faut-il le dire, dépourvu de tout fondement rationnel. Je ne parle même pas ici d’un sentiment d’indignation (lequel aurait été, du reste, tout aussi déplacé), mais d’un véritable choc et d’une incompréhension totale : le fait qu’un enfant ose prendre la parole n’est pas seulement malpoli et inadmissible, c’est inappréhensible pour le monde des adultes — j’entends par là le monde des donneurs de consignes, des prescripteurs d’ordre légitimés, tout ce beau monde qui, un peu comme l’empereur de Chine dans ses nouveaux « habits », se sent soudain trahi, dérouté et menacé. Immédiatement après avoir parlé de « liberté » et de « besoin d’expression », le gendarme (le ministère) reprend son bâton en toute hâte et en toute incohérence : « il y a eu de trop nombreux questionnements de la part des élèves [...] Ces questions nous sont insupportables » (c’est moi qui souligne). L’on comprend alors la nécessité du « silence », puisque toute parole autre, inquiétante et étrangère (unheimliche au sens freudien), ne peut que réactiver et réactualiser... les mêmes affects qu’ont suscité des attentats soudains et violents.

De fait, ce qui me frappe ici, c’est combien toute cette frénésie sent (sous le fumet ranci, il est vrai, des replis franchouillards et des bons gros calculs politiciens), au fond, la panique. Panique liée moins au fait divers lui-même qu’à la fragilité soudainement dévoilée de « notre » ordre social et moral, mais panique bien réelle : comment expliquer autrement cette course à l’échalote jetant quatre millions de personnes dans les rues, précipitant les « pédagogues » de tout poil au pupitre de leurs chaires respectives (éditoriaux pour les médiacrates, interviews pour tous les psys médiatiques de service, circulaires pour les ministres, préaux pour les chefs d’établissements scolaires), dans le seul espoir de montrer que, attention attention, la situation est sous contrôle ?

Le monde des adultes, par définition, est celui qui ne panique jamais. (Ce postulat s’appliquant doublement, je l’ai dit, aux responsables publics qui se sont depuis longtemps érigés en « adultes » face à la populace infantilisée sans vergogne.) Alors pour masquer la panique bien réelle, tous les coups sont permis : désignation d’un bouc émissaire exogène (le pédophile ayant quelques vacances, le musulman barbu et basané fera ici l’affaire à merveille), grands discours pleins de mots abstraits et soigneusement vidés de leur sens,... et surtout, déplacement du sentiment de panique en l’imputant à un plus faible que soi : c’est le syndrome de la maman qui, voyant son enfant escalader un arbre nonchalamment, se met à hurler « SURTOUT NE REGARDE PAS EN BAS !! »

En une époque où l’on nous enjoint le respect d’untel ou de je ne sais qui, il me semble que nous nous devrions tous et toutes, en tant qu’êtres humains dignes de ce nom, de commencer par nous respecter nous-même. J’ai été un élève révolté contre le système, contre l’uniformisation forcée des esprits (qu’on la vende comme « sociabilisation » ou « intégration » ou que sais-je), contre l’inhumanité des institutions. J’ai été qualifié de fauteur de troubles, de fouteur de merde, d’agit-prop, j’ai été puni par les professeurs-dans-leur-grande-bonté, attaqué par les petits-camarades-de-mon-âge, isolé de différentes façons.

Alors oui, je dois à l’écolier libre et indompté que j’ai été autrefois, d’affirmer ici clairement ma révolte. Je dois à l’enfant épris de raison et de savoir que je fus, de faire sécession de ce monde des soi-disant « adultes responsables », exactement tout comme ces derniers somment les musulmans de « se désolidariser » des terroristes. Je dois à mes idéaux de toujours, de proclamer ici combien répugnant je trouve d’obliger ainsi les enfants à prendre en charge une mythologie anxiogène fabriquée de toutes pièces ; combien épouvantablement dégueulasse est pour moi le fait que les « élites » de notre pays enjoignent à leur troupeau de venir communier corps et âme (mais surtout l’âme, appelée ici à se subsumer dans un « être Charlie » mystico-merdeux et soigneusement désamorcé de tout contenu politique) derrière elles ; et de même, combien je vomis la façon dont cette société bien-pensante se défausse sur ses propres enfants (et surtout ceux des autres), qu’elle fait parader dans des « minutes de silence » à la con afin de pouvoir ensuite s’auto-féliciter de leur avoir inculqué « les valeurs importantes ». Je conchie rageusement la dictature conformiste qui ose s’habiller sous des mots creux ayant autrefois pu évoquer de nobles idées, et qui, pour comble, prétend tirer sa légitimité de la « spontanéité » des élèves eux-mêmes. Je me mouche à la face de ce système prétendument démocratique qui, sous ses dehors impartiaux et réfléchis, sous l’apparence impersonnelle de son costume gris bureaucrate et industriel, ne trouve in fine rien d’autre à dire à ses citoyens de tous âges que : « maintenant, pour la minute à venir mais pour les suivantes aussi, FERMEZ VOS GUEULES ».

Aujourd’hui moi-même professeur, j’officie dans le cadre d’établissements d’enseignement artistique et non dans l’Éducation Nationale : autant dire que mes élèves sont, par essence, issus d’une fraction minoritaire et privilégiée de la population. Moi-même privilégié, je n’ai pas à subir ni à infliger cet abrutissement institutionnalisé qu’est l’enseignement de masse, pas plus que je n’ai eu, cette semaine, à appliquer je ne sais quelle circulaire insane. Je n’ai pas non plus eu à « répondre aux besoins d’expression » ou à tenter d’« expliquer l’inexplicable » relatif au fait divers tragique de début janvier : je suis resté, sagement, dans cette bulle dépolitisée, déconnectée des réalités sociales et historiques, que représentent les activités artistiques au regard de la société française. Cette bulle dont l’existence même, au demeurant, m’insupporte et dont la majeure partie de mon activité et de mes écrits consiste à essayer de sortir.

Et pourtant, cette semaine, j’étais content qu’elle existe, la bulle. Content de pouvoir laisser mes élèves disposer, l’espace d’un moment, d’une bulle sans minute de silence. Une bulle sans carcan industriel-institutionnel, sans la masse des petits-camarades. Une bulle sans faux débats.

Une bulle sans « Charlie ».

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